Voyage à Boulal 2020 : Carnet de bord – Jour 5

Retrouvez le récit des membres du projet Sénégal qui se sont rendu sur place au début de l’année pour concrétiser le projet :

« Aujourd’hui c’est la journée de présentation de nos maquettes à l’école élémentaire et au CEM. Pour cela, Awa exige que l’on se réveille à 8h, pour être à l’école à 10h. Finalement, nous nous retrouvons à l’attendre comme d’habitude, et n’arrivons à l’école qu’à 10h30. Là-bas, nous nous installons dans la cour : certains d’un côté avec les pompes, et les autres au soleil, avec le four et le moulin. Nous profitons d’une éclaircie et du fait qu’il n’y ait pas encore d’enfant pour faire un premier relevé de l’évolution de la température qui s’avère plutôt convaincant. L’essai est à prendre avec des pincettes car le thermomètre ne semble pas très précis. Nous préférons d’ailleurs ne pas trop le prolonger car nous allons le griller, et puis les enfants commencent à arriver.

Pendant deux heures, des groupes d’enfants défilent, parfois accompagnés d’un professeur mais pas nécessairement, toujours aussi intrigués – le mot est faible – à la fois par nous et par ce que nous essayons de leur expliquer. D’ailleurs, nous sommes bien heureux d’avoir les traductions en direct d’Awa, Matar, ou du directeur de l’école sans qui aucun élève n’aurait compris quoique ce soit. Le four chauffe à peu près, on sent la différence – en y trempant les doigts – entre le verre d’eau que nous avons mis dedans et celui qui est resté dehors. Les expériences sont parlantes et semblent générer un réel intérêt : mission accomplie !

Au bout d’une petite heure arrive l’heure de la récréation, nous en profitons pour taper un petit foot avec une horde de gamins complètement euphoriques ; ça crie de partout et nous finissons par être littéralement recouverts d’enfants.

Nous continuons ainsi jusqu’à environ 12h30, heure à laquelle, après la classique liste de doléances, nous devons nous rendre au CEM car les élèves nous y attendent. Là-bas, nous nous organisons différemment : il n’y a plus de soleil, un groupe décide de se mettre dans une salle de classe histoire d’expliquer les concepts au tableau et l’autre dehors avec les pompes. Nous nous lançons donc dans une présentation devant une première classe archi-bondée, nous devons avoir une cinquantaine d’élèves âgés de 10 à 18 ans devant nous, c’est assez impressionnant. L’explication se fait un peu plus technique que le matin à l’école, sans l’être trop, car la communication reste compliquée. D’ailleurs heureusement qu’Awa nous accompagne encore pour traduire notre présentation. C’est curieux car les visages restent très peu expressifs tout du long, ils semblent intrigués plus par notre présence que par les objets que nous avons amenés. Puis, dès que nous – ou plutôt Awa – finissons de parler, ce sentiment s’évapore, les visages se réveillent et quelques questions émergent. Nous les voyons noter le lien que nous avons écrit sur leur tableau – wiki.lowtechlab.fr, catalogue open source de procédés simples de fabrication de low-tech – sur des brides de papier : le déclic recherché est né. Pour couronner cette alchimie, leur professeur prend la parole en Peul pour leur expliquer qu’ici ces ressources sont abondantes et trop peu exploitées, et qu’eux, jeunesse de Boulal, peuvent apprendre à mettre leur connaissance scientifique au service de ces enjeux, nous aurions difficilement pu rêver mieux.

La deuxième séance se passe encore mieux, les élèves sont moins nombreux et donc plus assidus, et l’explosion d’enthousiasme est encore plus intense une fois la présentation finie. La plupart n’osent pas prendre la parole en public, mais nous bombardent de questions dès que la classe commence à se vider, ou viennent simplement nous remercier ou nous faire part de leur intérêt pour notre présentation : extrêmement prometteur !

Nous laissons nos maquettes aux professeurs avec quelques recommandations d’usage – après avoir échoués à imprimer les formulaires du LowTech Lab – et rentrons à la maison pour nous délecter de poissons accompagnés de riz aux oignons. Après un petit repos digestif, nous prenons la route de la mairie pour récupérer la fameuse carte du réseau d’eau de la communauté rurale de Boulal, inchallah ! C’est justement le inchallah qui pose problème, personne ne semble savoir où est cette foutue carte, ni même si elle existe réellement. En attendant, nous prenons le temps de visiter le poste de santé du village, un des grands vœux de Matar. En effet, celui-ci vaut le détour. Les infrastructures sont vétustes et insalubres, le manque de moyen se fait sentir alors même que le nombre d’objets OMS, Action contre la faim, Unicef, etc montre que beaucoup d’associations sont déjà passées par là et n’ont pas pu améliorer drastiquement la situation. La priorité pour le moment semble être d’installer un échographe, pour diminuer le nombre d’accidents de grossesse, apparemment nombreux dans la zone.

Après une visite des locaux, nous prenons la direction du forage – pour mesurer le diamètre des canalisations fuyantes – et du champ de maraîchage des femmes afin de faire des mesures de débit pour poursuivre notre démarche initiée la veille. Les mesures de débit se révéleront trop incohérentes pour être exploitées, mais nous repartons avec deux informations : le champ a une surface d’environ un hectare, et l’espace actuellement cultivé est un rectangle de 15x45m.

Sur la route du retour à la maison, nous passons visiter le verger de notre chauffeur de charrette de la veille. Cette petite visite anodine s’avère être une véritable révélation : dans ce coin où le destin de beaucoup semble être dans les mains d’un miséricordieux architecte, certains arrivent à s’extraire de cette logique pour se le ré-accaparer et créer de véritables îlots de succès. Cette homme a bâti tout seul et à l’unique force de ses mains un magnifique potager – produisant nombre d’agrumes, jujubier et probablement autre – surplombant une basse-cour d’oies, lapins et autres chevaux. La question reste maintenant : comment étendre ce modèle à l’ensemble de la population, et leur donner foi en leur propre capacité à s’accaparer leur destin ?

Vaste sujet somme toute, nous y cogiterons toute la soirée, autour de notre dernier repas préparé par Mbossé tout comme lors de nos adieux au formidable mais si peu autodidacte Matar.»


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